Réalisé par Amédé Pacôme Nkoulou
2018 / 54min / Documentaire / Tout public (Gabon)
2016, Libreville, Gabon. Christ Olsen Mickala, un jeune boxeur, s'entraîne sans relâche le jour et travaille la nuit pour survivre tant bien que mal. Au même moment, un autre combat se joue, ou se rejoue, dans le pays, celui des élections présidentielles. Y a-t-il un espoir de transition démocratique ?
Boxing Libreville d'Amédée Pacôme Nkoulou est un film politique, sans en avoir l'air. Dans ce documentaire de 54 minutes, le réalisateur gabonais fait le portrait d'un jeune boxeur qui se bat non pas seulement sur le ring mais aussi au quotidien pour survivre et pour sauver son couple. En arrière-plan, le film suggère le combat de toute une société gabonaise en mal de transition démocratique. Chris s'entretient avec son entraineur de sa prestation sportive, avec sa compagne des déboires de leur relation et avec la famille des élections présidentielles éminentes. Il ne cache pas son désabusement des dernières alors qu'il investit toute son énergie dans les deux autres.
Amédée Pacôme Nkoulou
est un enfant de l'Afrique. Il a été formé à l'institut supérieur de l'image et du son au Burkina-Faso. Son cinéma, il le conçoit comme un traitement des impasses de son continent. Il le veut aussi optimiste mêlant humour avec pince-sans-rire qui ne néglige jamais l'aspect dramatique. Après
Moane Mory
, un court métrage (2014) qui le présente tout de suite comme un cinéaste qui promet, il revient avec ce documentaire qui a tout l'air de confirmer un style de cinéma cohérent. Nkoulou semble affectionner les portraits des personnages à travers lesquels, il développe son propos et sa vision des choses. Dans son court-métrage c'était la jeune Isa qui portait le film, dans
Boxing Libreville
c'est Chris, le jeune boxeur, qui incarne une vision de l'Afrique. Plus qu'astuce pour contourner la censure, c'est un procédé de mise en perspective que Nkoulou semble bien maitriser.
Chris est un jeune qui n'est pas comme tous les jeunes de Libreville. Boxeur, s'entrainant fanatiquement la journée, il survit grâce à son travail en tant que portier de discothèque. Il n'a que deux soucis : la boxe et sa petite amie. Il s'accroche au deux comme si sa vie en dépend et c'est le cas. Au-delà , il ne se mêle de rien. La politique, il ne s'y intéresse pas. Quand il en parle c'est pour dire que voter ne sert à rien et qu'il vaut mieux rester chez lui.
Comme beaucoup de Gabonais, il n'y croit pas. Qu'Ali Bongo reste au pouvoir ou qu'il quitte la présidence, il y a comme une certitude que cela n'aura aucun impact sur le quotidien des citoyens. C'est pourquoi les discussions tournent vite à redire les mêmes choses à l'image de ces retours cycliques des élections qui ont l'air du retour du même. A la télévision, on n'arrête pas de diffuser les commentaires sur le processus électoral, mais personne ne s'y intéresse. La télévision est allumée, mais les gens parlent entre eux ou même dorment.
Il y a là comme un double discours qui se dégage de ce portrait touchant par sa sympathie mais non exempt d'arrière-goût de déception, frustration, voire même de désespoir. C'est là une équation très délicate et difficile à tenir et que le film parvient à décrire avec beaucoup de subtilité. Chris ne se mêle pas de politique parce qu'il n'y croit pas peut-être. Mais en même temps, si la politique ne peut rien pour lui, il ne baisse pas les bras et continue de travailler croyant en lui-même et espérant (même si parfois il y met peu de conviction) que la boxe le sauvera. En attendant, sa vie a bien un sens. Il y trouve beaucoup de satisfaction et ce n'est pas rien.